Un jour, Abdel Nasser au roi Hussein : Puisqu’on n’a pas signé d’accord de paix avec Israël, alors Israël n’a pas gagné la guerre et les Américains veulent nous vendre tous, nous les Arabes

Cet article a été traduit par Nourane Mahmoud
Révisé par Aya Mohamad Abdel Fattah
écrit par M. Saïd El-Shahat
Selon le journal Al-Ahram, le 7 avril 1968, à 18 heures, le 6 avril 1968, comme ce jour-là, les pourparlers officiels ont débuté au palais de Qubbah au Caire, entre Gamal Abdel Nasser et le roi de Jordanie, le roi Hussein.
Le roi Hussein était précédé par la bataille de Karameh, qui a été le théâtre d'une épopée héroïque le 21 mars 1968, et a duré 16 heures. Cette bataille a opposé l’armée jordanienne et la résistance palestinienne aux forces israéliennes, qui ont subi des pertes massives. Environ 70 soldats israéliens ont été tués, plus de 100 ont été blessés, 45 chars, 25 véhicules blindés et 27 autres véhicules ont été détruits, et 5 avions ont été abattus, ce qui a conduit Israël à demander un cessez-le-feu.
Le roi Hussein était accompagné d’une délégation de haut rang comprenant le prince héritier Hassan, le premier ministre Bahgat Talhouni, le ministre des affaires étrangères Abdel Moneim Rifai, le chef d’état-major le général Amer Khamaash, le général Sharif Nasser bin Jamil, l’ambassadeur de Jordanie au Caire Adel Shamaila et Zeid Rifai. Le secrétaire général de la présidence de la République à l’époque, Abdel Majeed Farid, révèle dans son livre « Des procès-verbaux des réunions arabes et internationales d’Abdel Nasser 1967 – 1970 » les détails de la réunion.
Il est mentionné que Hussein a commencé son discours en disant à Abdel Nasser : « Votre message lors de la bataille de Karameh était le premier message arabe que nous avons reçu. Pour cette raison, nous avons toujours de l’estime pour vous, vos positions de lutte et votre rôle pionnier. » Il a ajouté : « Aujourd’hui, il y a en Israël une tendance à vouloir conserver tous les territoires arabes occupés durant la guerre du 5 juin 1967. Certains appellent même à occuper tous nos territoires pour créer un désert sécurisé entre eux et l’Irak, ainsi qu’un autre désert sécurisé entre eux et l’Arabie Saoudite. »
La réunion a porté sur les initiatives internationales en faveur des négociations avec Israël. Abdel Nasser a commenté ces négociations en disant au roi Hussein : « Acceptons-nous de nous rencontrer avec les Israéliens, directement ou indirectement ? Quelles seront les conséquences après notre refus explicite d’une telle réunion ? Je réponds au nom de la République arabe unie (Égypte) et je dis qu’il est inacceptable d’accepter une telle rencontre, qu’elle soit directe ou indirecte. N’oubliez pas que je vous ai suivi uniquement dans la formulation de la résolution remise par Yarring (l’envoyé international), malgré l’opposition de l’Algérie, de l’Irak, du Soudan et de l’Arabie Saoudite. J’ai pris cette position pour maintenir le mouvement politique. » En ce qui concerne les Américains, j’avais l’impression qu’ils adopteraient une position différente envers vous par rapport à nous, étant donné l’hostilité personnelle entre nous. Il aurait été logique que leur comportement reflète votre position amicale envers eux. En Égypte, le peuple veut la guerre et rejette la paix, bien que je pense que les gens en aient assez et soient fatigués des nombreuses guerres et des lourdes charges qu’ils supportent. La situation générale est devenue très difficile.
Le roi Hussein a affirmé : « Les Américains m’ont contacté la veille pour sauver la mission de Jarring de l’échec et m’ont conseillé de conclure un accord de paix avec Israël. J’ai répondu que ce sujet ne pouvait être discuté car il n’est pas mentionné dans la résolution du Conseil de sécurité. » Il a ensuite discuté de Jérusalem, de sa demande d’armement provenant de sources occidentales, du retard dans la réponse à sa demande, et du refus des Syriens de coordonner avec lui. Il a ajouté : « En vérité, le sentiment d’urgence de la cause varie considérablement dans le monde arabe. Si la situation ne change pas, l’initiative restera toujours entre les mains de l’ennemi. Nous avons besoin de coordination sur de nombreux sujets, d’une position unifiée sur la question de Jérusalem, ainsi que sur celle des observateurs internationaux aux frontières. »
Abdel Nasser a répondu : « J’ai exprimé publiquement ce que vous venez de dire. J’ai affirmé qu’il n’existe pas de plan arabe commun ni de coordination arabe. Je crois que beaucoup de pays arabes veulent éviter de nouveaux engagements dans lesquels ils pourraient se retrouver impliqués. Les Syriens ont demandé la création d’un commandement conjoint avec nous, et je leur ai répondu qu’il devait inclure la Jordanie et l’Irak. Il est important de tirer le meilleur parti des capacités de l’armée irakienne. Il y a bien sûr des méfiances entre la Syrie et l’Irak en raison de questions partisanes, mais nous devons déployer tous nos efforts pour établir un commandement oriental. Nous devons faire preuve de patience pour surmonter les problèmes internes dont nous souffrons. Cependant, accepter de négocier directement ou indirectement avec les Israéliens est inacceptable. Les Américains nous ont demandé en février dernier de rétablir les relations avec eux, et nous leur avons répondu que ce n’était pas possible avant qu’ils clarifient leur position sur la question arabe, même par une simple déclaration sur les droits des Arabes. Ils ont refusé. Les Américains jouent un jeu très déshonorant et veulent nous vendre, nous les Arabes. »
Le général Khamaash a passé en revue la situation militaire jordanienne, tandis qu’Abdel Moneim al-Rifai a examiné la situation politique. Le ministre des affaires étrangères égyptien Mahmoud Riad a pris la parole, et Abdel Nasser a commenté : « Après cette revue militaire et politique, je voudrais répéter que tant que nous n’avons pas signé d’accord de paix avec Israël, Israël n’a pas gagné la guerre. L’important est de patienter et de ne pas désespérer. La stratégie d’Israël depuis l’époque de Ben Gourion est de nous forcer à accepter une solution imposée, et tant que nous n’avons signé aucun accord avec Israël, Israël n’a pas atteint ses objectifs. »